Quand des CRS tirent sur une manif . (OTAN Strasbourg) nouveau témoignage





Militante du NPA à Metz, Catherine Stotzky porte plainte après avoir été blessée par la police lors de la manifestation anti-Otan à Strasbourg, le 4 avril dernier. Récit.

Je suis allée à la manifestation à Strasbourg avec un bus (unitaire), qui partait de Metz. On a eu bien du mal à rejoindre le défilé, car il y avait des flics partout. On est arrivé quand la manifestation démarrait, sous des jets de grenades lacrymogènes. J’ai tout de suite senti une ambiance inhabituelle, très tendue, alors je me suis empressée de rejoindre le cortège du NPA, où je me sentais plus en sécurité.

 

 

 

Ensuite, on a été coincé dans une rue, avec des barrages de CRS qui nous bloquaient la route devant et derrière. C’était un peu angoissant, mais il y avait du soleil, on s’est assis par terre. Juste à côté, les gars du black-bloc pétaient tout, parfois sous les huées des manifestants. Un hélicoptère tournait en rond au-dessus de nous, c’était vraiment une drôle d’ambiance ! Au bout d’un moment, on a été soulagé d’apprendre qu’on pouvait repartir. Je suis restée dans le cortège NPA, et on a longé un cordon de CRS. Beaucoup de manifestants avaient les mains en l’air. Et c’est là que, brusquement, les CRS, à quelques mètres de nous, ont tiré des grenades lacrymogènes en direction de notre cortège, pourtant clairement identifié, avec banderole, autocollants, et Besancenot en tête. J’ai senti un choc et une douleur très vive, à mon mollet. J’ai vu que j’étais blessée, je l’ai dit aux camarades à côté de moi, et ils m’ont aidée à rejoindre la camionnette du NPA. Là, j’ai été super bien accueillie, réconfortée, et un infirmier puis une médecin sont venus me donner les premiers soins. J’étais très choquée, j’avais mal et peur, d’autant qu’on ne pouvait pas quitter la manifestation.

 

 

Un peu plus tard, deux camarades m’ont amenée jusqu’à un cordon de CRS qui avaient l’air un peu plus humains (on voyait leur visage !) et ils nous ont laissé partir. Les camarades m’ont portée (les pauvres) jusqu’au bus, et j’ai pu rentrer à Metz. Arrivée à Metz, on m’a emmenée aux urgences, et le médecin m’a dit qu’il n’était pas possible de poser des points de suture (la plaie étant trop large) et que j’aurais sans doute besoin d’une greffe de peau, mais qu’il fallait que je sois examinée par un spécialiste sous 48 heures. Donc, le lundi, je suis allée au service des brûlés ; mais comme j’avais aussi un énorme hématome (partant sous la cheville et allant jusqu’au-dessus du genou), il n’a pas été possible de poser un diagnostic pour la plaie. A présent, j’ai des soins infirmiers tous les jours. Il faut voir comment la plaie évolue… si la peau arrive à se reconstituer ou s’il faudra une greffe. Les médecins ne peuvent pas se prononcer pour l’instant.

 

 

 

Je me déplace difficilement et je suis en arrêt maladie. Mais j’ai surtout une grande colère, d’avoir été la victime d’une telle agression : les CRS nous ont attaqués gratuitement, alors qu’il était impossible de nous confondre avec ceux du black-bloc. Les conséquences auraient pu être tragiques : que se serait-il passé si cette grenade avait heurté ma tête et non pas ma jambe ? Et ma colère décuple quand j’entends Sarkozy et sa ministre de l’Intérieur, Michèle Alliot-Marie, se féliciter (« tout s’est bien passé ») et dire que les forces de l’ordre ont été exemplaires. Au-delà de la désinformation, je comprends ça comme un message, lourd de menaces, adressé aux manifestants, à ceux qui auraient la velléité de s’opposer au monde tel qu’il va.

J’ai pris conseil auprès d’un avocat, et j’ai écrit au procureur de Strasbourg pour porter plainte pour « violences volontaires aggravées par les circonstances qu’elles ont été commises par une personne dépositaire de l’autorité publique et avec usage d’une arme ». Il faut à présent que le procureur accepte ou non d’enregistrer la plainte, mais avec un arrêt de travail de 37 jours, et une ITT de quinze jours, j’espère que cela sera pris au sérieux ! Sans compter que ça sera prolongé en cas de greffe de peau, ce qui, d’après mon avocat, pourrait être considéré comme une mutilation, un délit encore plus grave.

Je suis aussi en liaison avec le Mouvement de la paix, qui tente de coordonner, avec le collectif Otan-Afghanistan ; ils réfléchissent à une plainte collective, pour l’ensemble des problèmes de répression du contre-sommet, avec constitution de partie civile.

 

 

Après, je ne me fais pas beaucoup d’illusions sur l’issue du procès, s’il y en a un… Mais, au moins, ça serait l’occasion de parler publiquement des violences policières qui ont eu lieu à cette manifestation, et d’alerter sur les menaces qui pèsent sur le droit démocratique de manifester.

 

 

Catherine Stotzky